Le Burn Out des PH                

Burnout, risques psychosociaux, mal-être, maltraitance, harcèlement, suicide au travail : psychiatre au CHR de Metz-Thionville depuis 40 ans, la souffrance au travail fait partie de ma clinique quotidienne depuis au moins 25 ans que j’exerce aux urgences. Il s’agissait du travail effectué dans d’autres institutions : France Telecom, la police, les médecins libéraux, les étudiants en médecine, … Je n’avais pas imaginé que dans ma propre institution, l’hôpital public, je serais aujourd’hui sollicité par autant de collègues en souffrance, alors même qu’ils sont chargés de prendre soin des autres.

Ce phénomène a-t-il toujours existé et n’en prenons nous conscience que maintenant ? Y a-t-il eu des changements structurels qui ont rendu les organisations maltraitantes ?

Il y a d’abord eu des démissions : pas une semaine sans qu’on apprenne le départ d’un praticien, certains quittant le service public d’autres quittant carrément la médecine. Puis ce fut l’impossibilité de recruter sur des postes budgétaires durement acquis en trouvant des excuses telles que la démographie médicale ou l’attractivité du Luxembourg. Puis il y a eu un suicide, puis un 2ème, puis un 3ème. Et un jour un de mes assistants démissionne en disant : « je quitte l’hôpital public à cause de sa maltraitance ».

Maltraitance ! Le mot m’a fait l’effet d’un électrochoc et a entrainé une brutale prise de conscience au moment même où un collègue et ami se donnait la mort. Cette mort inacceptable a été suivi d’un silence institutionnel assourdissant en pleine  vacances d’été contrastant avec les vives réactions qui avaient suivi celle du Pf Jean-Louis Megnien fin 2015 ou peu de temps après en novembre 2017 celle du neurochirurgien de Grenoble qui déclenchera le rapport d’Édouard Couty devenu médiateur national (Le rapport n’a pointé aucune faute et a reconnu que la directrice du CHU de Grenoble n’avait fait que suivre la feuille de route de l’ARS et du ministère, soulignant cependant le zèle mis dans son application).

Les études sur la souffrance à l’hôpital sont relativement récentes. Elles nous sensibilisent à repérer des signaux à bas bruit, souvent masqués par des médecins isolés, gardant le silence, refusant de se plaindre et oubliant d’appeler les numéros verts de soutien téléphonique.

On ne peut plus mettre en cause les cas particuliers, les personnalités vulnérables antérieures, l’épuisement professionnel inexorable propre aux métiers d’aide dans des circonstances exceptionnelles. Force est de reconnaître aujourd’hui que les nombreux changements successifs visant à réformer l’hôpital public ont abouti à un risque « systémique » pour la santé mentale de ses agents soignants et que ce risque doit être connu, reconnu et combattu dans la gestion même de l’hôpital.

Comme pour France Telecom on a d’abord accusé les soignants en difficulté d’être des « dinosaures », de ne pas savoir s’adapter aux changements, à la modernisation, aux réformes nécessaires, aux réorganisations permettant de faire plus avec moins. En fait beaucoup d’agents ont fait preuve de trop d’adaptabilité et d’investissement et c’est leur courage et leur engagement qui les a amenés à se surinvestir et à aller jusqu’à l’épuisement. Les praticiens hospitaliers souffrent de disqualifications, de perte de valeurs, de perte de sens, de manque de reconnaissance, de manque de structures intermédiaires capable d’introduire un tiers dans les conflits intra-hospitaliers (il y a bien des médiateurs nationaux, régionaux et locaux mais ces nouvelles instances restent pour l’heure des coquilles vides).

Le soin est un humanisme. Pour que l’hôpital reste humain, il nous faut une communauté hospitalière soudée, respectueuse des patients et respectée par des gestionnaires bienveillants. Sinon le praticien en burn out et son hôpital deviennent maltraitants pour les patients.

Dr Pascal PANNETIER,
Psychiatre référent 54 et zonal Est des cellules médico-psychologiques (CUMP)

Définitions du burn out syndrome d’épuisement professionnel

Herbert J. Freudenberger : Un état de fatigue ou de frustration résultant du dévouement à une cause, à un mode de vie ou à une relation qui n’a pas donné les bénéfices escomptés

Christina Maslach : Un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui

Différents stades : Enthousiasme-Stagnation-Frustration-Apathie-Deésespoir

Crise sociale, institutionnelle et personnelle

Trépied :

  • Épuisement émotionnel
  • Déshumanisation de la relation à l’autre
  • Sentiment d’échec professionnel ou diminution de l’accomplissement personnel

Manifestations :

  • Fatigue, asthénie, perte d’énergie
  • Épuisement mental, démotivation
  • Perte d’empathie, cynisme, froideur, réification, méfiance, irritabilité,  
  • Pessimisme, culpabilisation
  • Sentiment d’invulnérabilité (Σ de John Wayne ou de Rambo)
  • Dépersonnalisation, déshumanisation,
  • Maltraitance, rejet, cruauté
  • Baisse de rendement
  • Augmentation du temps au travail
  • Dévalorisation du travail, de soi
  • Sentiment d’incompétence,
  • Culpabilité, perte de l’image idéalisé de soi-même
  • Spécificité du métier de soignant
  • Impact et répétition des traumatismes rencontrés
  • Choix d’une profession d’aide
  • Isolement physique et psychoaffectif

Syndromes connexes :

  • Stress post-traumatique
  • Fatigue de compassion ou traumatisme par procuration
  • Contre-transfert
  • Dépression du soignant
  • Crise du milieu de vie
  • Karoshi

Prévention :

  • Sélection du métier selon la personnalité et la résistance au stress
  • Formations théoriques
  • Poser des limites
  • Débriefing des situations difficiles
  • Travail d’équipe
  • Supervision entre pairs (Balint…)
  • Entrainement pratique
  • Gestion du stress
  • Hygiène de vie
  • Diversification des intérêts
  • Management participatif

Documents sur la souffrance au travail :

  1. Sous la direction de Michel Debout, professeur de médecine légale au CHU de Saint Etienne, ancien chef de service des urgences psychiatriques, ancien membre du conseil économique et social et ancien président de l’UNPS (union nationale pour la prévention du suicide), rapports du conseil économique et social à la Documentation Française : 

Travail, violences, environnement, avis et rapport du Conseil Économique et Social 1999     

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/004000198.pdf

 Le harcèlement moral au travail, avis et rapport du Conseil Économique et Social 2001

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000130.pdf

2.Sous la direction d’Henry Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric et de l’Hôpital Marie Lannelongue, le rapport de 2010 au Premier Ministre sur Bien-être et efficacité au travail avec 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail

https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/02-17_Rapport_-Bien-etre_et_efficacite_au_travail–2.pdf

3. « Burn out en jungle hospitalière : éviter l’épuisement de l’aventurier », d’après une étude publiée par deux psychiatres de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) dans le Journal of affective disorders, le burn out touche près d’un médecin sur deux (49%).

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/burn-out-en-jungle-hospitaliere-eviter-lepuisement-de-laventurier

4. Burn Out des médecins et autres praticiens hospitaliers G.Shadili, D. Goumard, J.P. Provoost, G. Le Pallec L’information psychiatrique 2018/1 (volume 94) p 13à 18

https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2018-1-page-13.htm

5. Harcèlement sur le lieu de travail : le regard du psychiatre, Christophe Dejours

 http://www.avenir-hospitalier.fr/index.php/medias/la-revue/79-ah9/428-c-dejours

6. Édouard Couty, un pilier de l’hôpital public fait ses adieux à un secteur en pleine crise

https://www.liberation.fr/societe/sante/edouard-couty-un-pilier-de-lhopital-public-fait-ses-adieux-a-un-secteur-en-pleine-crise-20211011_AYP5IIH4VBGGPIVJXHVMQ5BS3I/?redirected=1

7.

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